jeudi 25 janvier 2007

Ses mains sur ma peau

Ses mains sur ma peau. J’en ai écrit des dizaines et des dizaines de ligne. Je vous épargne ce calvaire sans aucun intérêt.

Fermez plutôt les yeux et imaginez.

Imaginez un voilier. Un très beau voilier. Qui glisse doucement, très doucement, la nuit, sur une mer aimante. Toutes les personnes à bord dorment. Vous êtes la seule personne éveillée. Et vous veillez sur eux. Vous êtes responsable. Le temps est doux, le vent complice gonfle les voiles sans faire de bruit, vous porte. Les faibles lueurs du compas vous secondent. Rien ne peut vous arriver. Vous êtes en parfaite sécurité. La musique joue doucement dans vos oreilles, le volume est très faible. Un carnet à la main, vous écrivez. Dans un parfait moment de solitude, de recueillement. Vos idées filent. Vos sentiments aussi. Vous vous retrouvez seul(e) dans cet espace. Vous en faîtes le tour. A pas de loup. Pour ne pas déranger. Pour en profiter. Pour voir l’eau fuir le long de la coque. Pour saisir ce moment, l’empêcher de disparaitre. Pour le garder avec vous jusqu’à la fin de vos jours. C’est un moment de calme parfait, réparateur et nécessaire. Vous écrivez un mot amical, sur le journal, à celui ou celle que vous réveillerez dans quelques minutes pour prendre votre place, juste pour lui dire tout va bien. Et au dernier moment, vous faîtes durer le plaisir, encore un peu, juste un peu, toutes vos excuses sont bonnes.

Je vais vous faire un aveu.

Ses mains sur ma peau, c’est encore plus beau que ça.

Courbes infinies

Ne croyez pas que l'architecture se limite à dessiner des droites. La difficulté réside plutôt dans les courbes. D'ailleurs, le fait même que deux droites dans l'espace ne se coupent qu'en un seul et même point unique m'effraie un peu. Enfin je devrais employer l'imparfait car lorsqu'on trouve cette intersection, ses coordonnées X, Y et Z sont proches de la perfection. Les tristes me diront qu'une droite comporte un nombre infini de points et que par chacun d'entre eux passe une infinité de droites. Soit. Mais le fait est qu'être au rendez-vous à l'intersection de ma droite et de la sienne était quand même un miracle ( je ne vois pas d'autre explication ). Je vous conseille donc de tenter l'expérience, il se produit alors un phénomène tout à fait intéressant.
J'en vois d'autres qui me diront " oui mais la Fallingwater de Wright alors ". Et bien justement, elle est posée sur une fallingwater, toute l'astuce est là. On voit bien sur la perspective originale que Wright avait dessiné un mur d'eau plan. Seulement voilà, l'eau en mouvement ne tombe pas exactement à la verticale, c'est parfaitement impossible, n'insistez pas.
Nous vivons donc dans monde courbe. Et toutes les courbes ne se valent pas. Dessiner une belle courbe est réellement difficile. Je pense aussi qu'une belle courbe peut parfaitement se suffire à elle-même. La courbe de son sourire par exemple est un modèle de pureté. Simplement irresistible. Bref, je m'égare. Gehry est un gars qui dessine pas mal les courbes, pour ne pas dire très bien. Il les dessine tellement bien que les mettre à plat est un véritable calvaire. Les surfaces décrites par les courbes de Gehry sont pour la plupart indéveloppables. C'est ce qui en fait en partie le charme.

J'ai longtemps pensé que ma vie se situait sur une courbe. Une courbe infinie, contrairement à celles de Gehry. Comme un fil qui ne serait pas tendu. J'ai souvent failli en tomber et faire une chute infinie elle aussi. J'en ai rêvé des centaines de fois. J'étais terrorisé par ces rêves et à chaque fois étonné de me réveiller vivant. En même temps, l'infini n'ayant pas de limites, je ne risquais pas de me faire bien mal. Mais le paradoxe de chuter de n'importe quel endroit de la courbe pour finir systématiquement au même point dans mon lit m'a toujours surpris. C'était quand même passablement désagréable. Et puis depuis peu, j'ai découvert une autre sorte d'infini. Là par exemple, je suis infiniment amoureux. Pourtant j'ai les deux pieds sur Terre. Parfois un peu aussi la tête dans les étoiles j'avoue. Ca m'a donné une autre vision des choses. Un nouvel éclairage. Ma vie est bien sur une courbe, mais pas infinie. Cette courbe dessine un nuage, avec ses volutes, comme ceux que dessinent les enfants. Chaque jour, j'en fais le tour et je retourne au point d'origine, celui où tu as posé le crayon le premier jour. Et en arrivant à ce point, au moment où mes yeux se ferment sans peur de chuter, j'en arrive toujours à la même
conclusion.
Mon nouvel infini, c'est toi.